La versification repose sur l’organisation structurée de retours du même: rythmiques – ce sont les mètres – et phonétiques – ce sont les rimes. En versification classique, ils doivent être organisés en systèmes cohérents, complets et clos, éventuellement subdivisés en sous-systèmes autonomes – les strophes. Qu’en est-il dans la poésie de Raymond Queneau? Quel usage peut-il donc faire du vers libre? Précisément un usage contraint. Par l’association de contraintes propres à la poésie classique et de régularités plus neuves, voire inédites, Queneau nous montre le visage d’un poète sans complexes vis-à-vis des vieilleries poétiques condamnées par Breton dès 1924. Il ne cherche ni à renier ni à ridiculiser les règles anciennes, pas plus qu’à honorer ou mépriser les nouvelles ; Queneau fait volontiers usage de quelque règle qu’il juge convenir à un poème, sans souci de son acceptabilité historique, et ses vers sont bien libres en ce sens : libres de se plier aux règles choisies par la curiosité avide de leur compositeur.