Depuis sa création il y a des millénaires,
l’argent et ses différentes formes se sont progres
sivement dématérialisés : d’abord métaux précieux
pesés, puis pièces de monnaie frappées et billets
imprimés, ensuite quantités d’unités monétaires ins
crites dans des livres de comptes en papier et, fina
lement, unités monétaires inscrites sur des supports
de données électroniques. L’avenir de l’argent est
numérique. Mais son « essence » n’a jamais résidé
dans une matérialité particulière. Derrière la numé
risation de l’argent telle que nous l’observons au
jourd’hui, il y a bien plus qu’un simple changement
de forme : ce que la numérisation de l’argent ap
porte, c’est premièrement une « désintermédiation »
(di sintermediation), c’est à dire un contournement
ou même une suppression des acteurs traditionnels,
privés et étatiques des marchés financiers, en par
ticulier des banques ; deuxièmement, une concur
rence déterritorialisée, nouvelle sous cette forme,
entre les monnaies privées et étatiques, mais aussi
entre les monnaies privées et étatiques entre elles ;
et troisièmement, la « datafication » de l’argent et
des flux de paiement dans le sens d’une création
algorithmique, d’une exploitation et d’une instru
mentalisation de profils d’utilisateurs monétarisés.