C’est en 1948 que Queneau publie L’Instant fatal, recueil de 90 poèmes distribués en quatre sections de longueurs inégales, composés à des époques très diverses, du début des années 1920 aux années 1940, globalement représentatifs de l’oeuvre poétique de Raymond Queneau avant 1950. C’est le titre alléchant de la troisième section qui nous arrête ici: Pour un Art Poétique. Nous en explorons la versification au moyen d'une base de données. Queneau semble en réalité réaliser deux mouvement simultanés : il compose un réel Art Poétique, dans lequel il exprime ses postulats, avec sincérité, avec aussi la part de fatuité qu’il y a non seulement à toute démarche vers un public, mais plus encore à la composition d’un discours sur sa propre pratique artistique. Et il se moque de la suffisance qu’il y a à cet exercice, auquel il choisit de donner des traits plus voyants, plus tapageurs que le reste du recueil. Et c’est sans doute par ce double mouvement, entre distance et intime, entre une poésie qui « barbe » et « kékchose d’extrême », que Queneau atteint dans ces onze poèmes à une réelle sincérité.