L'étude de la controverse au travers des correspondances  savantes de l’Âge classique éclaire une ambivalence de la communauté scientifique : à la recherche d'un consensus et d'une unité que l'on retrouve dans les valeurs de la République des lettres, elle est pourtant en permanent conflit, opposant des chercheurs isolés, des sociétés savantes hiérarchisées, des styles de pensée ou des paradigmes entiers. L’objet de ce dossier est alors de comprendre les enjeux de la controverse scientifique, son fonctionnement, son influence sur la pensée des acteurs de la science et le rôle que le conflit joue dans l'établissement de cette dernière : la controverse est-elle uniquement un obstacle à l'avancement de la science ou, au contraire, une pratique usuelle et indissociable de son évolution ? En s’attachant à un corpus particulier, nous aimerions par ailleurs comprendre les relations qu’entretiennent échanges épistolaires et controverses afin d’en saisir toutes les dynamiques. Plus particulièrement, les textes réunis ici s’intéressent à l'usage des procédés rhétoriques de persuasion, de démonstration, d'explication, de mise en doute, de condamnation ou de dénigrement. Ils décrivent l’établissement d’un espace de dialogue qui, sans être consensuel, n’en reste pas moins fondamental, permettant la précision d’une pensée, l’évaluation d’hypothèses et de résultats expérimentaux ainsi que l’établissement de règles communes. Nous soulignons par-là le caractère inventif de la controverse savante. Nous interrogeons les normes, explicites ou tacites, qui régissent les échanges épistolaires et orchestrent les conflits. Nous étudions les motifs et raisons qui poussent à mobiliser la lettre. En quoi son usage influence-t-il le déroulement d’une dispute, querelle ou polémique ?